Pour toi, dont le prénom est le nom de l’aube. Avec mes excuses…
Trouver le bois de Saint-Amand, sa réalité, est difficile car la chanson est peu précise. Il est possible, cependant, de recouper la toponymie et la vie de Barbara pour essayer de s’en approcher.
Le toponyme Saint-Amand se retrouve en Belgique où Barbara a vécu vers 1950. Mais la piste belge, si elle n’est pas à écarter totalement, est peu plausible. Admettons que tout cela se situe, en France, où l’on dénombre 21 communes ou lieux-dits appelés Saint-Amand.
L’un des biographes de Barbara (J.-D. Brierre) avance que la chanteuse aurait affirmé que le petit bois existait réellement dans le Jura. Effectivement, il existe bien un lieu-dit Saint-Amand sur la commune de Charix (Ain) dans une région très forestière entre Oyonnax et Nantua. La future chanteuse est cachée, pendant la guerre, à Saint-Marcellin dans l’Isère qui se trouve aujourd’hui à 1h30 de ce Saint-Amand là. Ce n’est pas vraiment un petit bois : la région est très densément forestière. Mais l’hypothèse n’est pas à exclure.
Cependant, deux biographes (C. Le Cossec, V. Lehoux) se basent sur le témoignage de la propriétaire du château de Boisrenault à Buzançais dans l’Indre. En 1957, Barbara et son amant, Jean Poissonnier, se rendent dans cette propriété tenue par son ami Yves et sa femme Sylvie. Ils restent là plusieurs mois. Barbara travaille son répertoire. La mère de Jean possède une maison à Lignières, dans le Cher, à 60 km de là. Sylvie précise : « le “petit bois de Saint-Amand” c’est celui de Lignières ». C. Le Cossec évoque un article du Berry républicain qui localise l’endroit au bois d’Habert sur la commune limitrophe de Morlac en direction de Saint-Amand-Montrond, localité fameuse pour son imprimerie. La forêt semble plus petite que celle du Jura. Un petit bois. Au début des années 1960, Barbara reviendra brièvement au château de Boisrenault en compagnie d’Hubert Ballay, un autre amant, qui lui inspirera Dis quand reviendras-tu ?, sortie en 1964. La même année, le 33 tours suivant, Barbara chante Barbara, contient Au bois de Saint-Amand.
Mais le lien avec la région est plus ancien. On sait que Barbara a été également cachée, durant l’occupation entre 1940 et 1941, à Préaux dans l’Indre, à une centaine de kilomètres du bois d’Habert. Un autre article du Berry républicain (8 décembre 2017) titre au conditionnel : « La chanteuse aurait séjourné au village pendant l’Occupation ». Il n’existe aucune trace écrite, seuls des témoignages oraux permettent de supposer un passage bref à Morlac.
Donc, si l’on tient à chercher quelque chose de tangiblement autobiographique dans cette chanson – ce qui n’est nullement nécessaire, le texte et la mélodie ayant quelque chose d’une vie à la fois singulière et universelle – la piste Jurassienne est plus maigre que l’éventualité Berrichonne. Dans le premier cas, Barbara aurait connu la forêt du Jura dans son enfance et, encore, en était-elle relativement loin. Dans le deuxième cas – et bien qu’il ne faille pas exclure une sorte de tentative régionale d’appropriation patrimoniale -, elle aurait connu le bois proche de Saint-Amand-Montrond, possiblement, pendant l’Occupation mais aussi durant sa vie d’adulte, à l’aube de sa célébrité, en compagnie de son amoureux de l’époque puis, lors de sa consécration en tant qu’auteure, avec l’infidèle Hubert Ballay. Or la chanson évoque bien les amours d’une vie ou la vie et les amours, les jeux d’enfants et d’adultes et, un lieu, un espace avec des arbres, un arbre, avec ses racines, ses feuilles, sa terre, son tronc, son écorce, son bois : celui auprès duquel on aimerait revenir à jamais et pour toujours.
Sources
« Le refuge berrichon de Barbara », Le Berry républicain, 8 décembre 2017.
« 20 ans après sa disparition, le Berry se souvient de Barbara », France Bleu, 24 novembre 2017.
« Barbara, sa belle histoire dans le Berry », France télévisions, 26 novembre 2017.
BRIERRE Jean-Dominique, Barbara ; une femme qui chante, Hors collection, 2017, p. 35.
JULY Joël, Les mots de Barbara, Publications de l’Université de Provence, 2004, pp. 65-66.
LE COSSEC Catherine, Barbara, la douleur de l’absence, Autres temps, 1998, p. 135.
LEHOUX Valérie, Barbara, portrait en clair-obscur, Fayard, 484 p.
www.passion-barbara.net [en ligne le 15 septembre 2019].