Le con chez Brassens

Qu’est-ce qu’un con ? Explorons le concept à travers quelques chansons de Brassens. Lequel a pas mal labouré cet immense champ de recherches.

Jeu de langue : étymologiquement, con viendrait du latin cunnus c’est-à-dire « sexe de la femme ». À juste titre, Brassens s’en offusque dans une chanson où il propose des pistes d’alternatives, sur le plan sémantique, mais pas que : Le Blason.

Honte à celui-là qui par dépit par gageure
Dota de même terme en son fiel venimeux
Ce grand ami de l’homme et la cinglante injure
Celui-là c’est probable en était un fameux.

La problématique secondaire générationnelle est renvoyée au rayon des faux débats. De controverse, il ne peut y avoir sur le sujet. Pour une fois, Brassens est catégorique. Ce n’est pas une question d’âge. Le con est con, c’est un état de fait et le temps n’y fait rien.

Mais alors ? Nul ne conteste. Cependant, on n’est pas plus avancé sur la question de la définition du con. Brassens semble avoir été de plus en plus conscient de son pouvoir, en tant que star de la chanson. Et si, dans un premier temps, il prit des positions très anti-flic ou anti-curé, c’était un grand sceptique et, surtout, il ne pouvait se résoudre à donner des directions ou des leçons de morale. L’Épave ou La Messe au pendu sont des contrepoints sur la question policière ou cléricale. De même, sur le registre amoureux, Rien à jeter trouve son négatif dans Si seulement elle était jolie.

Malgré ce scepticisme, une piste de réponse paraît s’ouvrir mettant en rapport la question de la connerie avec celle du pouvoir. Les différents systèmes peuvent bien être chambardés, le roi des cons, la connerie restera. C’est lucide. Il faut faire avec : la résilience.

Enfin, deux chansons posthumes précisent la complexité du problème. Avec Ceux qui ne pensent pas comme nous, Brassens affirme « Entre nous soit dit, bonnes gens pour reconnaître que l’on n’est pas intelligent, il faudrait l’être. » Hommage à la modestie ? Plus on sait, plus on doute, plus il faut admettre qu’on ne sait rien et donc qu’on est con ? « Mais qu’on est con » s’énervait, parfois, mon père, en réalisant son erreur dans la confection de tel ou tel bricolage.

Chez Brassens, la piste anarchiste, mêlée à cette humilité, semble, tout de même, l’emporter avec Quand les cons sont braves. Le problème n’est pas la connerie consubstantielle à l’humanité. On est toujours le con de quelqu’un etc. On est tous cons mais « quand les cons sont braves, comme moi, comme toi, comme nous, comme vous, ce n’est pas très grave. » Le vrai problème c’est le con qui a du pouvoir sur les autres – c’est-à-dire, si on y réfléchit, pas mal de monde aussi :

Si le sieur X était un lampiste ordinaire,
Il vivrait sans histoir’s avec ses congénères.
Mais hélas ! il est chef de parti, l’animal :
Quand il débloque, ça fait mal !

Si le sieur Z était un jobastre sans grade,
Il laisserait en paix ses pauvres camarades.
Mais il est général, va-t-en-guerr’, matamore.
Dès qu’il s’en mêle, on compt’ les morts.

En ce qui me concerne, confiné ou pas, je me garderai de toute conclusion hâtive considérant qu’il reste à chercher et à concevoir en ce domaine. Les plus belles de nos conneries seraient-elles affublées d’un point d’interrogation et d’un conditionnel ?

Alexis.

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