Joe Hill – le film

Un film consacré à Joe Hill, réalisé par Bo Widerberg, restauré et projeté en 2015, a été édité, sur DVD, l’année dernière. Sorti en 1970, primé à Cannes un an plus tard, ce long-métrage évoque la vie d’un immigré suédois débarqué à New-York au début du XXe siècle. Confronté au chômage et à la pauvreté, Joe Hill parcourt le pays et devient un hobo. Il se syndique au sein des IWW, une organisation de base, libertaire et ouverte aux femmes ainsi qu’aux travailleurs immigrés jusque-là délaissés par le syndicalisme bureaucratique américain.

Suivant l’itinéraire de Joe Hill, le film montre la réalité d’un monde social et des luttes syndicales. La vie de ce militant – son frère qui ne donne plus de nouvelles, ses amours, ses boulots – se mêlent à celles dont il partage la condition : ses camarades, femmes, hommes ou enfants – leurs révoltes et leurs grèves.

La créativité des pratiques des IWW est assez remarquablement restituée. Joe Hill et ses compagnons sont refoulés d’un village où seule la chorale de l’Armée du Salut a le droit de s’exprimer. « Pourquoi pas nous ? » demande le syndicaliste à un policier qui lui répond : « eux, ils chantent, non ? » Prenant au mot son interlocuteur, le syndicaliste écrit puis interprète un texte parodique :

You will eat, bye and bye in that glorious land above the sky. Work and pray, live on hay, you’ll get pie in the sky when you die.

Vous mangerez à votre faim au royaume des cieux. Travaillez et priez, vivez sur la paille, vous aurez du gâteau une fois là-haut !

Joe Hill – The Preacher and the Slave

Avec les IWW, la chanson n’est pas un objet d’artiste séparé de la réalité ouvrière. Elle en émane et elle porte les idées et les revendications. Plus joliment – et plus efficacement – qu’un tract, elle circule et traverse les époques. Le chant est une expérience faisant appel aux émotions et celles du militant sont, dans ce film, assez finement représentées sans excéder dans le romantisme ou le réalisme.

Mais Joe Hill n’est pas simplement resté à la postérité pour ses chansons. Déclaré coupable d’un meurtre, il est emprisonné puis exécuté. Cette fin, en martyr, est filmée très longuement. « Qu’est-ce qui est mieux pour nous ? Qu’ils le tuent ou pas ? » s’interroge un de ses camarades en petit comité. Si la question reste sans réponse, le scénario ne l’élude pas. Le caractère sacrificiel du comportement de Joe Hill n’est pas, non plus, occulté. En mesure de s’échapper par la grâce d’un geôlier un peu trop sympathique, le syndicaliste lui demande de revenir, de fermer la porte et de lui remettre ses chaînes. Comme si le mouvement avait besoin de son sacrifice pour faire naître un mythe.

Le DVD est accompagné d’une mise en contexte du film. C’est intéressant mais peut-être un peu trop esthétisant. Surtout que le sujet même, notamment les IWW, la singularité de ce syndicalisme dans l’histoire sociale des USA n’est, a contrario, pas réellement contextualisé ou expliqué. On peut le regretter bien que le film soit déjà une grande porte ouverte à la curiosité sur ce thème.

http://www.malavidafilms.com/cinema/joehill

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