Georges-Réné Lerouge

Étiquette cuvée CIRA 1998 par WolinskiNous reproduisons ci-dessous une notice biographique trouvée dans la brochure La propagande par le fait, CIRA de Marseille, 2004, 22 p.

Georges-René Lerouge semble avoir été presque complètement oublié par les historiens qui ont parlé de la propagande par le fait. C’est seulement dans le livre de son ami Robert White (Twenty years of anarchist activities, London, Libertarian Press, 1937) qu’il est évoqué.

Il est né en 1870 pendant la Commune de Paris dans le quartier des Batignoles. Ses parents réussissent à échapper aux hordes versaillaises. Ils peuvent se réfugier avec leur jeune fils dans la banlieue de Bruxelles.

À la fin des années 1880, il peut revenir à Paris. Il exerce le métier de conducteur de fiacre. Influencé par les propagandistes par le fait, il mène sa première action en 1892. Il participe à l’incendie des locaux d’une compagnie de fiacres. Les employés menaient une grève très dure et leur patron était intransigeant. 53 fiacres partirent ainsi en fumée.

En 1894, il se rend avec quelques camarades à Nancy. Il y démonte entièrement la statue du boucher de la Commune Adolphe Thiers. Elle sera renvoyée par pièces détachées aux rédactions des principaux journaux de l’époque.

Opposé aux assassinats, il abandonne les matières dangereuses explosives et incendiaires. Il publiera même une lettre ouverte dans le journal Le Temps. Cette lettre lui vaudra un certain nombre d’inimitiés.

Quelques années avant Alexandre Marius Jacob, il se lance dans la reprise individuelle. Il décide de s’attaquer aux biens des parasites de la société : huissiers, juges d’instruction, avoués… Le nombre de ses cambriolages est impressionnant. Il n’hésite pas à emporter des coffres-forts sur une charrette pour les démonter à l’abri. Une partie du butin finance les activités anarchistes de son temps.

À la suite d’une dénonciation, il est arrêté en 1898 et se retrouve à la prison de Mazas. À son procès, ses amis dessinateurs de L’Assiette au Beurre témoignent en sa faveur. Faute de preuves, il est vite libéré.

Il se lance ensuite dans le mouvement coopératif. Il monte une coopérative de machines à écrire puis de distribution de produits laitiers.

Passionné par les archives, il est l’un des fondateurs du Centre mondial d’histoire des mouvements communalistes (CMHMC).

Pour financer cette association, il met chaque année en vente des fromages produits par des amis anarchistes. Les étiquettes des boîtes de camembert, de livarot ou de brie sont dessinées par les grands peintres et illustrateurs de l’époque : Jossot, Steinlen, Delannoy et même Luce, Signac et Pissarro.

Grâce à l’argent réuni, un local a été acheté et a fonctionné sur les bords du Canal de l’Ourcq jusqu’en 1914.

C’est à cette époque que l’on perd la trace de Georges-René Lerouge. Grand voyageur, il parcourait la France à la recherche d’archives. Il organisait des conférences de Lille à Nice ainsi que des réunions champêtres sur les bords de l’Oise ou de la Marne. Les derniers témoins l’ont vu aux Escaladous, un village des Cévennes et à Rognac, au bord de l’Étang de Berre où il retrouvait son ami Han Ryner.

Georges-René Lerouge mérite de sortir de l’oubli. Avis donc aux chercheurs !

Trop jeunes pour mourir

Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir, Paris, Libertalia & L’Insomniaque, 2014, 543 p.

Fruit de huit années de recherches basées sur les rapports policiers, la presse, les mémoires de militants ou l’historiographie, cet ouvrage étudie le mouvement ouvrier et révolutionnaire français de 1909 à 1914. Une chronique fouillée, vivante, complète et bien faite. « Les faits parlent d’eux-mêmes » avertit l’auteur. Pas un livre à thèse donc. Mais un prisme libertaire à travers cette somme factuelle. Car c’est une histoire qui dit les prémices d’une subordination au pouvoir politique d’un syndicalisme qui, avant de s’abandonner à l’Union sacrée, se recentre face à la montée en guerre, au parlementarisme socialiste et à la structuration anarchiste. Continuer la lecture

Fusillade à Charlie hebdo

Il y a bien longtemps que je ne lisais plus Charlie Hebdo et que je désapprouvais leur ligne éditoriale. L’épisode de la nomination de Philippe Val à la tête de France Inter sous Sarkozy étant sans doute le summum. Mais là il n’est plus question de controverses éditoriales. Continuer la lecture

À vos ordres ? La Grande Guerre, le consentement, le militarisme et la révolution

Soumission massive d’êtres humains au pouvoir militaire, la guerre de 14-18 n’a pas vraiment de précédent. Comment est-on arrivé à faire accepter un tel sacrifice ? Le travail d’Emmanuel Saint-Fuscien permet d’éclairer le phénomène en s’intéressant aux rapports d’autorité au sein de l’armée française de la Grande Guerre (1). Continuer la lecture

Pour une vie libre et juste

« I don’t believe you have the answer, I’ve got ideas too. » Bad Religion

Dans Dieu et l’État (1), Bakounine écrit : « La vie est toute fugitive et passagère, mais aussi toute palpitante de réalité et d’individualité, de sensibilité, de souffrances, de joies, d’aspirations, de besoins et de passions. C’est elle seule qui, spontanément, crée les choses et tous les êtres réels. La science ne crée rien, elle constate et reconnaît seulement les créations de la vie ». Plus loin, il ajoute : « Ce que je prêche, c’est donc, jusqu’à un certain point, la révolte de la vie contre la science, ou plutôt contre le gouvernement de la science. Non pour détruire la science – à Dieu ne plaise ! Ce serait un crime de lèse-humanité –, mais pour la remettre à sa place, de manière à ce qu’elle ne puisse jamais en sortir. » La science doit être placée hors de toute possibilité d’exercer un pouvoir car écrit Bakounine elle « a pour mission unique d’éclairer la vie, non de la gouverner. » Selon le camarade vitamine, la seule possibilité d’émancipation passe par la raison. Mais ce culte impersonnel de la science doit la placer hors de toute possibilité d’exercer un pouvoir car son idéalisme et sa perfection, se situant dans un avenir perpétuel, ne s’accompliront jamais.

Bakounine aurait deux cent ans aujourd’hui. Sommes-nous dans cet avenir qui lui semblait jamais ne pouvoir se réaliser ? (2) La vie est-elle un « concept » archaïque bon pour les anarchistes du XIXe siècle ? Sommes-nous dans une époque où la science gouverne ? Où les experts décident ? Peut-on raisonnablement affirmer que la science est restée à sa place comme l’anarchiste bicentenaire le souhaitait ? N’est-elle est pas un outil de prédilection du capital et de l’État ? Le gouvernement de la science, ne serait-ce pas ce que dénonce les décroissants ? Évidemment les scientifiques ne sont pas tous d’accord entre eux. Mais cela les empêchent-ils d’exercer un pouvoir ? Continuer la lecture

Construire à l’arrière des fronts

Certains veulent se rassurer et ne pas voir la réalité en face. En nombre de voix, le FN quadruple son score aux élections européennes par rapport à 2009. Entre 2002 et 2012, ce parti a gagné un million de voix aux élections présidentielles. L’abstention aux européennes est importante ? Mais les sondages indiquent que parmi les abstentionnistes figurent aussi nombre d’électeurs potentiels du FN en tous cas autant que parmi les suffrages exprimés. On peut triturer les chiffres absolus, l’abstention, nier les pourcentages d’exprimés : le FN continue de progresser. Continuer la lecture

Force Occulte à Marseille

Un vice de forme selon l’arrêt du tribunal administratif rendu le 16 mai 2014. En 2010, Patrick Casse, élu FO et directeur du département Lettres et Arts de la Bibliothèque de Marseille a été proposé à l’avancement au grade de conservateur par une Commission administrative paritaire… où il siégeait lui-même avec la DRH. Une vingtaine de collègues pouvait prétendre à cette promotion. Il était seul sur la liste. Depuis que Gaston Defferre s’est appuyé sur FO afin de contrer la CGT, ce syndicat de municipaux devenu omniprésent mène un jeu trouble avec les édiles en laissant peu de place à la contestation. Difficile de bosser dans cette ville sans sa carte. En 2012, le secrétaire général du syndicat est débarqué pour ses dérives et ses liens avec Guérini. En 2014, Jean-Claude Gaudin reçoit une « carte de membre d’honneur du syndicat ». Merci patron !

Grand Marché Transatlantique : le capitalisme déchaîné

Sur les ruines du Mur de Berlin, le 22 novembre 1990, les USA et les 12 États de la Communauté Européenne signent la « Déclaration transatlantique » qui formalise leur triple coopération économique, militaire et institutionnelle sous le signe du capitalisme, de l’OTAN et de la technocratie. En 1995, naît l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dont la mission est la libéralisation mondiale du commerce des biens et des services. Libéralisation assortie de la création de l’Organe de Règlement des Différends (ORD) qui en fait une organisation internationale extrêmement puissante : l’OMC est ainsi dotée d’un pouvoir de sanction pour non respect de ses règles. De 1995 à 2013, la collaboration transatlantique s’intensifie sans que les peuples n’aient leur mot à dire. Le 13 février 2013, l’Union Européenne (UE) et les USA s’engagent à entamer les négociations du « Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement » (PTCI). Un document rédigé en anglais, daté du 17 juin 2013 et dont la diffusion est interdite établit le mandat de l’UE pour les négociations qui commencent le 8 juillet. Qui mandate les négociateurs européens ? Le capital, pardi ! De janvier 2012 à avril 2013, la Commission Européenne a tenu 119 réunions avec les lobbys du monde des affaires afin de préparer le document.

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« Au futur ou au passé, vers un temps où la pensée est libre » (1)

En 1945, déclinant une invitation de la duchesse d’Atholl, George Orwell écrit : « Je ne peux m’associer à une organisation essentiellement conservatrice qui prétend défendre la démocratie en Europe mais ne trouve rien à dire sur l’impérialisme britannique. On ne peut selon moi dénoncer les crimes aujourd’hui commis en Pologne, en Yougoslavie, etc., sans exiger avec la même insistance la fin de la domination que la Grande-Bretagne impose à l’Inde. J’appartiens à la gauche et c’est en son sein que je dois travailler, quelle que soit ma haine du totalitarisme russe et de son influence pernicieuse dans notre pays. » (2) Que signifiait appartenir à la gauche pour Orwell ? Double-pensée ? Novlangue ? Continuer la lecture